
Un tribunal fédéral américain a relancé une action collective contre le canadien Shopify, sur fond de la protection des données personnelles sur les plateformes numériques. Cette décision marque un tournant pour les entreprises opérant à l’international, confrontées à des règles locales de plus en plus strictes, notamment aux US.
Shopify et la collecte de données personnelles
La société canadienne Shopify, spécialisée dans les solutions e-commerce, et qui avait récemment annoncé son outil IA Shopify Magic, fait face à une procédure judiciaire aux États-Unis, suite à des accusations de collecte non consentie de données personnelles. L’affaire a été initiée par un consommateur californien, qui affirme que Shopify a installé des cookies sur son téléphone sans autorisation, après un achat en ligne effectué via un site partenaire.
Selon les allégations, ces cookies auraient permis de constituer un profil utilisateur, utilisé ensuite à des fins commerciales. Le plaignant affirme que ses données ont été exploitées pour être revendues à d’autres commerçants, sans qu’il ait été informé ni sollicité pour donner son accord.
Un débat sur la compétence juridique des États
Shopify a contesté la compétence des tribunaux californiens, arguant qu’elle ne ciblait pas spécifiquement cet État dans ses activités. L’entreprise, basée à Ottawa, a proposé que l’affaire soit jugée dans d’autres juridictions, comme le Delaware, New York ou le Canada.
La Cour d’appel du 9e circuit a toutefois estimé que le comportement de Shopify était suffisamment orienté vers la Californie pour justifier une compétence locale. Elle a souligné que l’entreprise avait sciemment installé des logiciels de suivi sur les appareils des consommateurs californiens, dans le but d’exploiter leurs données. Cette décision a été adoptée à une large majorité (10 contre 1) par les juges du circuit.
Ce n’est pas la première fois que Shopify est confronté à un procès : en 2024, l’entreprise a échappé à une amende de 40M $, annulée par un tribunal du Delaware, dans le cadre d’accusations de violation d’un brevet technologique.
Une compétence territoriale dans un monde numérique sans frontières
Cette décision pourrait avoir un impact direct sur la manière dont les tribunaux américains interprètent la compétence territoriale dans les affaires liées au numérique. Elle ouvre la voie à une plus grande responsabilité des entreprises qui, bien qu’opérant à l’échelle mondiale, tirent profit des marchés locaux via Internet.
Un groupe composé de 30 États américains et de Washington D.C. s’est rangé du côté du plaignant, estimant nécessaire de pouvoir faire respecter leurs lois de protection des consommateurs face à des entreprises qui opèrent dans leurs juridictions par le biais du e-commerce.
Des réactions et implications juridiques
Shopify a critiqué la décision, jugeant qu’elle remet en question le fonctionnement même d’Internet. L’entreprise déplore que des entrepreneurs numériques soient contraints de se défendre devant des tribunaux éloignés, simplement parce que leurs services sont utilisés dans certains territoires.
De son côté, la Chambre de commerce des États-Unis a soutenu Shopify, avertissant qu’une interprétation large de la compétence pourrait nuire aux prestataires techniques dont les logiciels sont utilisés à travers le monde.
Une voix dissidente au sein de la Cour a exprimé des réserves, jugeant que cette décision pourrait créer une « règle du cookie ambulant », permettant aux tribunaux de s’attribuer une compétence là où se trouve l’utilisateur, indépendamment du lieu où l’entreprise exerce réellement ses activités.
Une affaire à suivre
L’affaire, enregistrée sous le nom Briskin v. Shopify, Inc., pourrait devenir une référence dans le traitement juridique des pratiques de collecte de données sur Internet. Elle s’inscrit dans un contexte de renforcement des cadres juridiques autour de la vie privée, aussi bien aux États-Unis qu’à l’international.
Les prochaines étapes judiciaires de Shopify restent incertaines, mais cette décision pourrait inciter d’autres juridictions à revoir leur approche face aux plateformes technologiques mondiales.