
Qwant, l’acteur français des moteurs de recherche respectueux de la vie privée, a récemment absorbé Lilo, son concurrent “solidaire”. Ce rapprochement stratégique s’inscrit dans la volonté de Qwant de s’émanciper technologiquement des géants américains tout en consolidant une offre numérique française et européenne. Voici les enjeux de cette acquisition et les perspectives qu’elle dessine pour le marché des moteurs de recherche alternatifs.
Qwant et Lilo : deux visions françaises du moteur de recherche
Créé en 2015, Lilo s’est distingué en développant un moteur de recherche à vocation sociale et environnementale. Chaque requête effectuée par l’utilisateur lui permet de collecter une goutte d’eau symbolique, qu’il peut ensuite attribuer à une association. Le moteur reverse ensuite une grande partie de ses revenus publicitaires au financement de ces projets. Cette approche a séduit un public sensible aux causes humanitaires et écologiques.
En rachetant Lilo, Qwant, s’empare non seulement d’un concurrent, mais également d’une technologie et d’un modèle d’engagement citoyen qui viennent enrichir son propre positionnement, fondé sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles.
Cette annonce intervient quelques temps après le rapprochement de Qwant avec Ecosia, signe que le moteur de recherche français multiplie les partenariats en vue d’augmenter son nombre d’utilisateurs. Récemment le moteur offrait jusqu’à 10 € par semaine à ses utilisateurs pour les convaincre d’utiliser Qwant.
Qwant vise l’indépendance grâce à un index de recherche européen
Historiquement, Qwant s’appuie sur les résultats de Bing, le moteur de recherche de Microsoft, pour fournir des réponses aux requêtes. Mais cette dépendance technologique est devenue un frein stratégique, notamment depuis que Microsoft a multiplié par dix le tarif de son API en 2023. Pour se libérer de cette contrainte, Qwant accélère la construction de son propre index de recherche.
Ce projet d’indépendance technologique prend une dimension européenne grâce à une coentreprise lancée fin 2024 avec Ecosia, son homologue allemand. L’ambition est claire : créer une base de données commune, indépendante des GAFAM, capable de rivaliser avec Google, qui domine toujours largement le marché français avec près de 88 % de part d’audience.
Le nouvel index, prévu pour être lancé courant 2025, sera dans un premier temps disponible en français et en allemand, avant une extension à l’anglais. Il s’accompagnera d’une API ouverte à d’autres acteurs désireux d’exploiter ce socle commun.
Une stratégie pour relancer l’attractivité de Qwant
Malgré son positionnement éthique et sa mise en avant par l’administration française, Qwant n’a toujours pas conquis les internautes. En 2024, il ne représentait que 1,35 % du marché sur desktop, selon les données de Statcounter. Ce faible taux d’adoption interroge sur la capacité du moteur à convaincre un public plus large.
L’intégration de Lilo pourrait redonner un nouvel élan à Qwant en diversifiant ses fonctionnalités et en renforçant son image d’acteur alternatif. Le moteur pourra également capitaliser sur la notoriété acquise par Lilo dans le secteur associatif et engagé.
Vers des moteurs de recherche enrichis par l’intelligence artificielle
En parallèle de l’acquisition de Lilo, Qwant annonce une collaboration avec Mistral AI, jeune entreprise française spécialisée dans les modèles de langage avancés. Ensemble, ils travaillent à l’intégration de solutions de génération augmentée par la recherche (RAG), combinant intelligence artificielle et résultats issus d’un moteur de recherche classique.
Ces solutions pourraient permettre à Qwant d’enrichir l’expérience utilisateur, notamment via des réponses plus précises, mieux contextualisées et générées à partir de sources fiables. Ce partenariat vise également à proposer une alternative européenne crédible aux modèles développés par les grandes plateformes américaines.